Les sources de la recherche avec – France

Activité proposée par  Claire de Saint Martin et Arnaud Dubois
(laboratoire EMA-Université de Cergy-Pontoise)

Texte rédigé par Dominique Samson

Dans la continuité des travaux entrepris après le symposium d’Ottawa, nous avons mis en place un groupe de travail sur « les sources de la recherche avec », qui poursuit plusieurs objectifs :

  • travailler sur des textes considérés par les chercheurs participant à ce groupe comme des sources de la « recherche avec » ;
  • tenter de mieux appréhender ce qu’est la « recherche avec »à partir des textes fondateurs ;
  • faire travailler ensemble des chercheurs qui tendent à s’inscrire dans une démarche de « recherche avec » et viennent d’horizons différents, avec des références théoriques, des ancrages épistémologiques et des méthodologies différentes. La reconnaissance de l’altérité constitue un des principes de ce groupe de travail ;
  • penser collectivement ;
  • aider les chercheurs engagés dans ce groupe à préciser leur manière de faire ou tenter de faire de la « recherche avec » ;
  • travailler les textes en lien avec nos propres pratiques de recherche, par des moments d’échange sur nos recherches et la lecture-commentaire en groupe d’un texte « source ».

Nous tentons de répondre à plusieurs questions : La « recherche avec » se réduit-elle à une seule définition ? Quelles sont ses sources ? Par le passé d’autres chercheurs ont-ils déjà défini une « recherche avec » ?

Les modalités de travail mises en œuvre dans ce groupe visent à favoriser le dialogue, les échanges et le débat entre chercheurs, pour maintenir la diversité des approches et ne pas s’enfermer dans une nouvelle définition. Nous travaillons ainsi sur nos différents ancrages théoriques, méthodologiques et épistémologiques, sans définir une nouvelle épistémologie de la « recherche avec ».

À chaque séance, un participant apporte un texte écrit par un autre, plus ou moins ancien qui fait référence et qu’il a envie de partager pour échanger. Ce texte est préalablement diffusé aux membres du groupe qui le lisent avant la séance. Après la présentation du texte par le chercheur qui l’a proposé, en justifiant son choix, les échanges permettent d’envisager l’actualité de ce texte et le lien avec nos pratiques actuelles.

Ce groupe fonctionne depuis avril 2015. Chaque séance réunit des chercheurs d’horizon et de statut diversifiés : des universitaires, chercheurs associés, doctorants, membres du laboratoire EMA, du laboratoire LIRTES[1] de l’Université de Paris Est Créteil, du CREF[2]  de l’Université de Paris Ouest Nanterre, du laboratoire FRED[3] de l’Université de Limoges, de l’Ecole Supérieure du Travail Social – mais aussi des membres et des doctorants brésiliens et canadiens du réseau RechercheAvecde passage à Paris.

Voici la synthèse thématique des 6 premières séances proposée par une des participantes, Dominique Samson, chercheuse associée à EMA.

  • Séance 1 : Gilles Monceau présente un article de Jacques Ardoino, « De la Clinique », publié en 1989 dans la revue Réseau ; la thématique de ce numéro triple (55,56, 57) porte sur « Les enjeux du savoir. Réflexions épistémologiques en Sciences Humaines ».

 

  • Séance 2 : Dominique Samson présente un article de Guy Le Boterf, « La recherche-action, une nouvelle relation entre les experts et les acteurs sociaux ? » publié en 1983 dans la revue Pour ; la thématique de ce numéro (90) porte sur « La recherche-action ».

 

  • Séance 3 : Marie-Pierre Mackiewicz présente une contribution de Ruth Canter Kohn, »Les positions enchevêtrées du praticien-qui-devient-chercheur » à l’ouvrage collectif publié en 2001 Praticien et chercheur. Parcours dans le champ social chez l’Harmattan ; ce livre a été coordonné par M.-P. Mackiewicz.

 

  • Séance 4 : Philippe Lyet présente un chapitre de Jean-Pierre Darré, »Ceux qui savent et ceux qui font » extrait de La production de connaissances pour l’action. Arguments contre le racisme de l’intelligence publié en 1996 par les Éditions de la maison des sciences de l’homme ; ce chapitre avait été publié une première fois en 1977par la revue Education permanente.

 

  • Séance 5 :Arnaud Dubois présente 2 extraits du livre de Georges Devereux, De l’angoisse à la méthode dans les sciences du comportement datant de 1967 et publié en France en 1980 chez Flammarion ; le premier extrait provient du chapitre V, « Le contre-transfert dans les sciences du comportement », le second du chapitre VIII, « Utilisation sublimatoire vs utilisation défensive de la méthodologie »

 

  • Séance 6 : Anne Pilotti et Pascal Fugier présentent 2 textes d’Edgar Morin. Le premier est extrait du chapitre I, « L’intelligence aveugle », du livre Introduction à la pensée complexe publié en 1990aux éditions ESF ; le second est extrait du chapitre « La démarche multidimensionnelle » de Sociologie publié en 1984 par Fayard puis republié en 1994 par Le Seuil, collection Points Essais ; ce livre est une reprise par l’auteur de textes déjà publiés et l’extrait choisi date de 1966

Chaque séance a été enregistrée et l’intégralité des débats a été transcris et envoyé aux participants. Cette synthèse s’appuie sur la relecture de ces transcriptions et prend en compte les thématiques présentes dans les textes autant que dans les échanges qui ont suivi. Il est à noter que, depuis la rédaction de cette synthèse, une septième séance a eu lieu, au cours de laquelle Izabel Frische, professeure au département de psychologie de l’Université du Minas Gerai, Brésil, a présenté deux textes de Félix Guattari.

Synthèses des thématiques et des mots-clés :

Au préalable, précisons que le rapport avec la question de la « recherche avec » n’est pas toujours visible à la première lecture du texte choisi puisque le choix du texte est subjectif. Une partie de la présentation repose donc sur l’explication de ce rapport. En grossissant un peu le trait, ces textes peuvent être classés en deux catégories:

– le rapport avec la « recherche avec  » se dit en termes de posture du chercheur et de méthodologie; dans cette perspective c’est la dimension « production de connaissances » qui est centrale (séance 1, 3, 5 et 6)

– le rapport avec la « recherche avec » se dit en termes de rapports politique et idéologique ; dans cette perspective c’est la dimension relationnelle avec les sujets/objets de la recherche  qui est centrale (séance 2, 4 et 6)

 

La présence de Morin dans ces deux catégories m’amène à me questionner sur l’impact du contexte historique sur ces positionnements. En effet, ce sont les textes les plus anciens du corpus qui relèvent de la deuxième catégorie : 1966 pour Morin, 1977 pour Darré, 1983 pour Le Boterf.

 

Les thématiques les plus fréquentes  sont :

  • la posture du chercheur
  • les choix théoriques et épistémologiques du chercheur
  • les dispositifs, les démarches de recherche
  • un mot-clé récurrent étant celui de clinique
  • les rapports de places entre chercheurs et sujets de la recherche
  • les rapports de force, de domination, de légitimité
  • la division du travail dans la production du savoir
  • avec deux mots-clés importants : praticien et praticien-chercheur
  • le(s) rapport(s) au(x) savoir(s) des chercheurs et des sujets de la recherche
  • la science comme mode de domination
  • les différentes catégories de savoir et leur hiérarchisation (savoirs d’acteurs et savoirs scientifiques, savoirs d’action, etc.)
  • les rapports entre savoir et action, entre recherche et changement
  • la « recherche avec » versus la recherche classique, académique, dominante, « sur »
  • production de connaissance et politique
  • production de connaissance et éthique
  • lien entre formation, enseignement, pédagogie et recherche avec
  • les formes de restitution des recherches « avec », la question de l’écriture

 

 

 

[1] Laboratoire Interdisciplinaire de Recherche sur les Transformations des pratiques Éducatives et des pratiques Sociales.

[2] Centre de recherche Éducation et Formation.

[3] Francophonie, Éducation Diversité.

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