La « recherche avec » comme une recherche-intervention institutionnaliste

*Contribution inédite pour RechercheAvec*

J’entends la « recherche avec » comme une recherche-intervention institutionnaliste, comme nous disons au Brésil. Dans cette modalité de recherche, on travaille avec la complexité et l’absence de neutralité signalée par Lourau (2004) avec l’intention de contribuer effectivement à la production scientifique et à la transformation sociale. Monceau (2005) affirme qu´indépendamment du choix théorico-méthodologique, la position de chercheur peut être celle de mettre son savoir-faire au service de l´expérimentation sociale ou d´un changement social plus vaste. Cette modalité de recherche reconnaît l´indissolubilité du lien sujet/objet, l´implication du chercheur, la complexité et l’articulation entre production scientifique et intervention. Son champ d’investigation constitue aussi l’espace concret de l’intervention, avec l’objectif d’actionner une production collective de connaissance dans laquelle il n’existe pas d’ensemble de règles prêtes à être appliquées, mais plutôt l’exigence d’une construction qui nécessite la présence sur le terrain de recherche et l’implication du chercheur. La connaissance est alors produite de manière procédurale et singulière, dessinant les forces présentes, analysant les effets des rencontres.

Je travaille dans un champ d’analyse constitué par la discussion permanente de cadres théoriques et un champ d’intervention formé par un projet de travail collectif avec les participants de la recherche. Pour l’analyse des demandes et des implications, nous utilisons le dispositif d’intervention suivant : contacts informels, observations des activités du service, assemblées générales, groupes de discussion et entretiens. La restitution est essentielle dans ce travail parce qu’elle permet aux sujets d’exprimer ce qu’ils perçoivent et cette représentation est utilisée comme support pour la réflexion collective. Présenter plus de questionnements que de résultats définitifs permet de travailler le terrain et de s’approcher de la dimension institutionnelle des implications et des pratiques.

Je pense aussi que « [t]out est politique, mais toute politique est en même temps macro-politique et micro-politique » (Deleuze et Guattari 1996 : 90). Ces dimensions circulent à tout moment sur le terrain – qui se déploie dans l’articulation de la dimension macro-politique –soutenue par des institutions qui mobilisent nos représentations – et de la dimension micro-politique – qui se constitue dans la manière dont les collectifs se positionnent entre assujettissements et connexions instituantes sur les différents territoires de travail. Les lignes macro-politiques déterminent les normes de fonctionnement et d’administration et les lignes micro-politiques concernent aussi bien les captures que la production de déplacements dans l’exercice singulier de chaque équipe, de chaque service. Dans ces mouvements, le processus de cette recherche-intervention se localise dans les tensions qui y apparaissent, cherchant à désarticuler les pratiques et les discours institués, et misant sur les forces instituantes qui se tissent dans les relations quotidiennes établies entre les agents sociaux.

Références bibliographiques

Deleuze, G. & Guattari, F. (1996). Micropolítica e segmentaridade. In: Deleuze, G. & Guattari, F. Mil Platôs: capitalismo e esquizofrenia (pp. 83-115). Rio de Janeiro: Ed. 34.

Lourau, R. (2004). Objeto e método da Análise Institucional. In: ALTOÉ, Sônia (Org). René Lourau: analista institucional em tempo integral (pp. 66-86). São Paulo: Hucitec.

Monceau, G. (2005). Transformar as práticas para conhecê-las: pesquisa-ação e profissionalização docente. Educação e Pesquisa, 31 (3), 467-482.

Crédit photo : Karoline Truchon

***

POUR REJOINDRE L’AUTEURE :

Roberta Romagnoli, professeure en psychologie

Université Pontificale du Minas Gerais au Brésil

robertaroma1@gmail.com

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.