Notre réseau organise une Semaine Recherche avec en France du 23 au 27 avril 2018.
Celle-ci se déroulera dans plusieurs régions françaises et se déclinera en différentes activités: expérimentations délocalisées (région parisienne, Lille, Strasbourg, Poitiers et Limoges), symposium international à l’Université de Limoges (ouvert au public), séminaire de Ligoure (réservé aux membres du réseau). Le programme prévisionnel détaille ces différentes activités après l’argument.
Le thème retenu par le comité scientifique pour toute la semaine 2018 est « Politique et Recherche avec ».
Si vous êtes membre du réseau (abonnés de la plateforme) et que vous souhaitez participer à cette semaine, vous pouvez dès maintenant prendre contact avec les organisateurs des « expérimentations délocalisées » (23 et 24 avril). Leurs noms se trouvent dans le programme prévisionnel ci dessous. Ces expérimentations délocalisées sont aussi ouvertes à des participants qui ne seraient pas (encore) membres du réseau. Si vous êtes dans ce cas, vous pouvez également contacter les organisateurs.
Si vous êtes membre du réseau et que vous souhaitez participer au séminaire « fermé »de Ligoure (26 et 27 avril), merci de vous signalez rapidement auprès de Marguerite Soulière et Gilles Monceau, le nombre de places étant limité. Vous pouvez proposer des ateliers pour ce séminaire fermé ou bien participer à leurs préparations avec un groupe international. La démarche est la même que pour Ottawa et Niteroï.
Argument de la Semaine Recherche avec 2018 en France
« Politique et recherche avec »
« Qu’est-ce que la politique ? Ou le politique ? Qu’est-ce qui est politique et qu’est-ce qui ne l’est pas ? » (Lourau, 1973, p. 31)
La/le politique traverse la recherche avec dans toutes ses dimensions : méthodologiques, épistémologiques, théoriques, éthiques… mais aussi à différents niveaux : du micro au macro. Pour Lourau, « le pouvoir central est partout » (Lourau, 1973, p. 29). Quelle place ont le chercheur et la recherche avec dans ce mouvement ? Douglas précise que « l’espoir d’une indépendance intellectuelle consiste pour nous à résister, et la première étape à déceler comment s’effectue l’emprise des institutions sur notre esprit » (Douglas, 2004, p. 135).
La recherche doit se penser et se développer en lien étroit avec les réalités politiques, sociales, économiques du monde où elle se fait. C’est ce que Bibeau rappelle en citant Hannah Arendt sur la fragilité de la pensée développée dans la solitude en dehors des problèmes de la Cité (Bibeau dans Soulière et collab, 2014, p. 298). Le Réseau Recherche avec est né à un moment où le financement des universités et de la recherche académique, et leur utilité pour le développement socioéconomique est en plein essor. L’économie du savoir réoriente la mission des universités et de la recherche vers le développement de savoirs techniques, de savoirs professionnels standardisés pour répondre aux besoins immédiats de la croissance. Est-ce ce à quoi nous voulons contribuer ? Est-il possible d’échapper à cette logique et comment ? Comment participer à la construction de savoirs, savoirs ne clivant pas théorie et praxis, mais impliquant les praticiens et les professionnels ?
Pour Bibeau, « on ne peut pratiquer notre métier d’anthropologues ou de sociologues sans avoir en tête un projet social et politique, lequel est forcément sous-tendu par une vision du monde et par une éthique » (Bibeau dans Soulière et collab, 2014, p. 297). Quelles sortes de connaissances avons-nous envie de produire ? À quelle fin ? À quelle vision de l’autre et du monde ai-je envie de contribuer ? N’est-ce pas en lien avec ce positionnement philosophique, éthique et politique que se font les travaux de collaboration dans le réseau Recherche avec ? Dans et entre les champs de la santé collective, la psychologie sociale, l’éducation, le travail social, l’anthropologie, la sociologie ?
Depuis la création du réseau RechercheAvec, la dimension politique apparaît transversalement dans toutes les réflexions et actions menées en son sein. En conclusion de notre premier symposium organisé à Ottawa en 2014, Maria-Livia do Nascimento rappelait, en référence à Guattari, que nous sommes concernés par le paradigme éthico-esthético-politique, « politique parce que nous identifions les enjeux et les risques des pratiques impliquées » (do Nascimento, 2014), notamment par la question des relations entre savoir et pourvoir. La synthèse des doctorants du symposium de Nitéroï met en lien la politique du terrain et la politique de l’Université (Chartrand, Laflaquiere, Mesquita, 2016).
Pour la semaine Recherche avec 2018, nous proposons de travailler en profondeur la question large « Politique et recherche avec » en la structurant selon trois axes :
La politique et la recherche avec
La question de la politique interroge les liens entre le milieu de la recherche, notamment l’université, et les instances politiques de différentes façons : la question des subventions, des appels à projet qui peuvent contraindre le chercheur à adapter ses résultats à la politique des commanditaires, mais aussi la question de l’instrumentalisation de la recherche par la sphère politique et leurs effets sur l’opinion publique. Des membres de notre réseau affirment que faire de la recherche avec, c’est faire de la politique.
La politique pose aussi la question de la transformation sociale. Comment chercheurs et participants (praticiens, usagers, bénéficiaires, acteurs… toute personne concernée par la recherche) y contribuent-ils et/ou peuvent-ils y contribuer conjointement ? Quels effets méthodologiques pour la recherche ? Comment cette question joue-t-elle sur le terrain ? Participants et chercheurs peuvent-il faire alliance face aux politiques publiques ?
La question de la politique et de la recherche avec pourrait donc constituer un premier objet de réflexion lors du symposium.
Le politique et la recherche avec
La politique et le politique se distinguent mais sont inaliénablement articulés. Pour certains membres de notre réseau, le politique est de fait dans la recherche avec.
Le politique questionne le rapport individuel et/ou collectif au pouvoir. De ce point de vue, il est peut-être plus polémique et les contours en sont peut-être plus mouvants : à partir de quand une relation peut-elle être qualifiée de politique ?
« Chercher avec » ne concerne pas uniquement chercher avec les professionnels, mais avec toutes les personnes concernées par la recherche. Le politique questionne les relations entre chercheurs et participants du terrain. Ces derniers ne sont pas homogènes et n’ont pas d’entrée de jeu le même statut dans une démarche de recherche ni le même rapport à la recherche. Comment considérer les savoirs et les expériences de toutes les personnes qui contribuent à la production des connaissances ? Comment construire la recherche avec eux ? S’agit-il systématiquement de rallier les participants à une vision commune ou la recherche peut-elle constituer un espace de débats et de contradictions ?
Il s’agit alors de questionner les formes du politique, mais aussi ses effets et les apports et les limites d’une telle analyse.
Recherche avec et militantisme ?
Cet objet renvoie à la question, controversée, du militantisme du chercheur, qui pourrait constituer un troisième de réflexion du symposium. La recherche avec peut constituer un moyen, un outil marquant l’engagement des chercheurs. Définie comme un moyen politique, elle met en avant la responsabilité du chercheur mais aussi une opportunité offerte aux acteurs de terrain et aux personnes concernées.
Les chercheurs en « recherche avec » construisent des dispositifs permettant l’irruption de la force instituante, toujours présente, des collectifs avec lesquels se fait la recherche. Visant la transformation sociale, la recherche avec n’est-elle pas, de fait, une démarche militante ?« […] Transformer la réalité est une tâche historique, c’est la tâche des hommes [et des femmes] (ajout des éditrices). » (Freire, 2001 : p. 29). Cela ne peut se faire que dans l’action et la réflexion, qui constituent ce que Freire nomme praxis. La compréhension d’une situation n’est pas suffisante, il faut qu’elle soit l’objet d’une « insertion critique » (Freire, 2001 : p. 30) pour transformer la réalité objective.
La question du militantisme renvoie à l’éthique de la responsabilité. Le chercheur est responsable des effets de sa recherche sur les démarches d’émancipation dans lesquelles les participants sont engagés. Il est aussi responsable des représentations que son travail induit ou renforce. Il est tenu à une « éthique de la représentation ». Au-delà des bonnes intentions, à quel processus de représentations des personnes et des groupes avec qui il travaille sa recherche participe-t-elle ? Surtout lorsqu’il s’agit de groupes fortement marqués par des étiquettes négatives, et appréhendés à partir de ce qui fait problème socialement. Quelle image projette-t-il de ceux-ci lorsqu’il parle d’eux dans des conférences, lorsqu’il écrit à leur propos dans des rapports et des articles (Caron, 2015) ?
La question du militantisme peut-elle être occultée de la recherche avec ? Comment la prendre en considération ? Comment le chercheur peut-il tenir une posture éthique et responsable, tout en reconnaissant son engagement politique ? Quels effets cette posture produit-elle sur les participants à la recherche ? Comment se répondent militantisme du chercheur et militantisme des participants ?
Bibliographie
Caron, C. (2014). Vues mais non entendues. Les adolescentes québécoises et l’hypersexualisation. Québec, Presses de l’université Laval, 248 p.
Chartrand, M., Laflaquiere,M., Mesquita, L. (2016). Synthèse des doctorants. Symposium RechercheAvec, Niteroï, 17-20 avril 2016. Récupéré le 05 mai 2016 surhttps://rechercheavec.com/wp-content/uploads/2017/03/Synthe%CC%80se-doctorants.pdf
Do Nascimento, M-L. (2014). Regard sur le symposium Recherche Avec d’Ottawa. Symposium RechercheAvec, Ottawa, 29 avril-1er mai 2014, Récupéré le 04 mai 2018 sur https://rechercheavec.com/wp-content/uploads/2015/01/Livia-Bilan-ottawa-fev-2015.pdf
Douglas, M. (2004). Comment pensent les institutions. Paris : La découverte. (1ère édition anglaise : 1986).
Freire, P. (2001). Pédagogie des opprimés. Paris : La découverte. (1ère édition, 1974 Maspéro).
Lourau, R. (1973). Analyse institutionnelle et question politique. L’homme et la société, vol. 29, n° 1, 21-34.
Bibeau, G. (2014) « Quelle place pour les savoirs critiques dans notre université corporative ? » Soulière, Gentelet et Coman (dir.) Visages contemporains de la critique sociale. Réflexions croisées sur la résistance quotidienne, Montréal, Éditions de l’ACSALF, 297-308 http://www.acsalf.ca/publications/visages-contemporains-de-la-critique-sociale/
…………………………………..