Problématisations entre politique et méthodologie dans la recherche avec (jeudi après midi)

Organisatrices :

Silvia Tedesco -Daisy Queiroz – Laurence Bergugnat

La proposition de l’atelier part de la question suivante: “S’agit-il systématiquement de rallier les participants à une vision commune ou La recherche peut-elle constituer un espace de débats et de contradictions?”  Il s’agit d’un des points de discussion de l’axe 2 – Le politique et la recherche avec – qui développe le thème central du symposium.  La question concerne le coeur même de la “recherche avec”, dans la mesure où elle nous mène à la considérer non pas comme une somme ou synthèse d’idées et pratiques, mais comme une rencontre, un arrangement inventif entre les perspectives en jeu, producteur d’effets du point de vue épistémologique, méthodologique et éthique.  Les défis qui en découlent, mèneront la discussion à dépasser les limites de l’axe 2, en exigeant des articulations entre les dimensions de la politique, le politique et le militantisme.

Des expériences de recherche, ainsi que des interlocutions avec des penseurs et des chercheurs brésiliens et français, concourent pour l’affirmation que la recherche avec ne veut pas dire partager la même position, soit à travers la production de connaissance uniforme ou de lignes d’actions consensuelles.  On affirme que la dynamique de la recherche avec est traversée par l’hétérogénéité et par les tensions que la rencontre de la diversité provoque.  Les acteurs engagés dans les recherches sont différents selon les contextes auxquels ils appartiennent, les expériences de vie, les positions occupées dans le processus de la recherche, les savoirs, les intérêts, enfin, selon les implications avec l’investigation en cours. C’est dans ce champ hétérogène que le processus de la recherche se passe, c´est avec cette diversité que tous les participants doivent avoir affaire. Ne serait-ce pas la différence, ou bien, la différentiation, les ense épistémologique et éthique de la recherche avec?  Ne serait-ce pas l’invention incessante de nouvelles connaissances produites dans la rencontre problématisante de différents savoirs et expériences ce que le “rechercher avec” poursuit?  Ne serait-ce pas la transformation sociale, et ainsi, la création de manières d’exister et d’autres mondes possibles, l’effet principal de la dimension de l’intervention de la recherche avec et, donc, de la discussion de ce symposium qui thématise “Politique et recherche avec”?

Pourtant, au quotidien de nos recherches, la force instituante qui produit des nouveaux savoirs, manières de penser et d’être dans le monde a partir des rencontres de lignes hétéroclites, est constamment menacée.  D’un côté, par la polarisation de perspectives et modes d’agir, c’est à dire, à travers les oppositions rigides et belligérantes qui compromettent les possibilités de nouvelles compositions. D’un autre côté, par l’homogénéité résultante de la domination de quelques participants sur d’autres, des savoirs, expériences et intérêts particuliers sur d’autres. Domination qui se fait sous la forme d’impositions explicites ou implicites de points de vue et modes d’agir, ou même par l’orientation subtile à l’accord . De telles menaces ou risques, ainsi que la manière de s’en occuper, seront explorés par les participants, à partir de leurs pratiques de recherche et/ou lectures, et constitueront le fil conducteur des débats tout au long de l’atelier.

Dans l’intention de formuler cette question d’une manière plus consistante nous mettons en relief trois de ces défis. Le premier, souligné dans l’axe 3, se réfère aux effets de représentations négatives des participants, qui peuvent être renforcées par la dynamique de la recherche.  Les groupes avec lesquels beaucoup d’entre nous travaille font souvent l’objet d’étiquetage, discrimination et exclusion sociale.  Dans ce sens-là, la rencontre fertile de différences peut être menacée par la difficulté d’avoir affaire avec ces représentations négatives et ses effets sur la recherche même. Le deuxième défi concerne les modèles dominants dans le contexte plus large de la recherche considérée scientifique. Cela inclut l’académie, les organismes officiels de recherche et les comités d’éthique. Il s’agit de l’hégémonie d’un modèle positiviste qui met le chercheur en tant que seul protagoniste dans la production de connaissances et, par conséquent, disqualifie plusieurs techniques de collecte de données, spécialement importantes pour la recherche avec, comme l’observation participante et l’entrevue semi-structurée.  En ce qui concerne spécifiquement le caractère d’intervention de la recherche, on observe des fortes contraintes opérées par les comités d’éthique.  Dans le cas de recherche auprès de populations considérées “vulnérables”, on affirme continuellement le haut risque des effets négatifs sur eux, quand ce qui est en jeu c’est justement leur protagonisme.  Comment résister à ces restrictions qui renforcent des hiérarchies et ont tendance à mettre en risque le processus de rechercher avec?  Comment traiter de telles exigences pour qu’elles n’empêchent pas la construction collective de savoirs et de nouvelles pratiques? Finalement, nous mentionnons encore une menace à la puissance instituante qui peut apparaître dans la dynamique de forces hétérogènes, propre à la recherche avec.  Pendant qu’on continue à voyager par les axes proposés  en en élargissant encore plus la portée du problème en question, on peut le lier aux possibilités d’alliance des participants différents en vue de résister aux politiques publiques dominantes, comme mentionné dans l’axe 1.  Par exemple, la fragilité ou l’inexistence de politiques publiques engageant des groupes particuliers et/ou des sphères de vie, ou encore la déconstruction de politiques déjà construites peuvent, plusieurs fois, produire des antagonismes entre les participants des recherches.

Comment les tensions issues dans les débats, les contradictions, la rencontre de différences en plusieurs degrés, peuvent être traitées afin de ne pas vider la force collective mais la traduire en force instituante?  Comment renforcer des modes d’agir inédits, des solutions pour les états de domination décrits par Foucault  et mis en place dans nos champs de recherche?  Comment ne pas laisser suffoquer les forces inventives par les savoirs conservateurs, reproducteurs de la logique hégémoniquedevantlaquelledespopulationsparticulièressontcriminalisées et neutralisées.

Les défis ci-dessus seront proposés à partir des rapports des participants sur les recherches réalisées avec des populations diverses dans des pays distincts,  nous permettant de penser/expérimenter les possibilités d’ouvertures instituantes dans le champ de la recherche-avec.

 

2 thoughts on “Problématisations entre politique et méthodologie dans la recherche avec (jeudi après midi)

  1. Nous vous invitons à participer à l’atelier « Problématisations entre politique e méthodologie dans la Recherche-avec » afin qu’on s’enrichisse des expériences des uns et des autres.
    A partir des recherches françaises et brésiliennes nous proposons quelques questions pour penser le sujet de l’atelier.

    1 Quels dispositifs peut-on créer pour rompre les représentations négatives et d’autres formes de hierarchisation entre les participants afin de mobiliser leur engagement?

    2 Quels outils méthodologiques peuvent activer des alliances a partir de l’hétérogénéité de participants?

    3 Comment viabiliser des processus collectifs de construction de nouveaux savoirs et pratiques?

    4 Comment la recherche avec peut faire face aux politiques dominantes?

    5 En quoi la recherche avec fait évoluer la pratique scientifique?

    6 Quelles postures, competences cela demande aux chercheurs pour entrer dans cette demarche?

    7 La question de l’interdisciplinarité et transdisciplinarité dans la production de savoirs.

    8 La recherche avec ne modifie t-elle pas le statut du fait scientifique, ainsi que sa construction?

    Silvia Tedesco, Laurence Bergugnat et Daisy Queiroz

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