Recherche et pédagogies « alternatives »

La Revue des sciences de l’éducation vient de publier un numéro consacré à la recherche dans le domaine des pédagogies alternatives. Bruno Robbes, membre du réseau Recherche avec a coordonné sa réalisation avec Christine Brabant de l’Université de Montréal.

Formes d’éducation alternative dans la Francophonie : enjeux méthodologiques, histoire, gouvernance et réussite éducative

Présentation du numéro (extrait de l’article introductif de Christine Brabant):

Le concept d’éducation « alternative » peut désigner toutes les expériences pédagogiques qui diffèrent des formes d’école ou de façon d’éduquer prévalant dans les établissements scolaires habituels (Allam, 2018 ; Lees et Noddings, 2016). Il peut s’agir d’écoles associées ou non aux pédagogies de l’Éducation nouvelle (Montessori, Freinet, Steiner), d’écoles démocratiques, d’initiatives circonscrites au sein de classes ou d’établissements réguliers, de l’enseignement privé confessionnel ou du continuum de l’apprentissage en famille (ou instruction en famille), allant de l’éducation à domicile (homeschooling) à la non‑scolarisation (unschooling) (Allam et Wagnon, 2018 ; Lees et Noddings, 2016).
La référence commune à une éducation « alternative » réunit ainsi des formes d’éducation fort différentes, aux fondements distincts, voire antagonistes. Ainsi, certaines remettent en cause les finalités politiques attribuées à l’école, notamment la transmission d’un tronc commun de
connaissances prédéfinies. D’autres adhèrent aux finalités des systèmes scolaires et cherchent à les renforcer en en corrigeant les dysfonctionnements, par exemple, en s’attaquant aux causes de l’échec et du décrochage scolaires, en incluant les enfants ayant des besoins particuliers ou en réduisant la violence scolaire (Allam, 2018 ; Wagnon, 2018). Pour ce faire, d’aucuns développent des formes éducatives ou des établissements distincts du système scolaire public grâce à des dérogations normatives ; d’autres préfèrent faire évoluer le système scolaire de l’intérieur en concevant des expériences éducatives susceptibles d’inspirer des réformes pédagogiques (Allam, 2018 ; Meirieu et Wagnon, 2018).
(…)
Au Québec, le mouvement des écoles alternatives est apparu en 1974 avec l’ouverture de l’école Jonathan dans le système scolaire public. Le Réseau des écoles publiques alternatives du Québec (REPAQ), créé en 2001, regroupe aujourd’hui la majorité des écoles alternatives de la province. Chaque école développe son propre projet éducatif, mais les membres du REPAQ ont adopté par consensus 17 conditions qui définissent minimalement le concept d’école alternative : une place prépondérante accordée à l’élève dans sa démarche d’apprentissage ; des parents coéducateurs ; une évaluation multipartite et des groupes multiâges en sont des exemples (REPAQ, 2014). D’autres écoles alternatives existent hors du REPAQ, que ce soit dans le secteur public ou privé, comme les écoles Freinet, Waldorf-Steiner et Montessori.
En France, les innovations pédagogiques associées à l’éducation nouvelle demeurent très marginales dans le cadre de l’Éducation nationale (Meirieu et Wagnon, 2018). Cela dit, des écoles primaires publiques affirment leur adhésion à la pédagogie Freinet (De Saint-Denis, 2017). De plus, la Fédération des établissements scolaires publics innovants (FESPI) regroupe des collèges et lycées qui se veulent expérimentaux (De Saint-Denis, 2017). Par ailleurs, l’approche pédagogique Montessori suscite un engouement croissant (Allam et Wagnon, 2018 ; Huard, 2018), alors que de plus en plus de membres du corps enseignant du secteur public revendiquent leur adhésion à cette approche (Franc, 2018 ; Huard, 2018 ; Kolly, 2018). De manière générale, Viaud (2017) note une nette augmentation du nombre d’écoles « différentes » hors contrat ces dernières années.
Malgré cet intérêt, le corpus scientifique sur les formes d’éducation alternative en milieu francophone, qu’elles soient scolaires (Hugon et Viaud, 2016) ou extrascolaires (Bongrand et Glasman, 2018 ; Brabant, 2010, 2013 ; Brabant et Dumond, 2017), demeure restreint. Considérant leur popularité croissante dans la Francophonie, les formes d’éducation alternative devraient être mieux comprises et fondées scientifiquement. En effet, ces mouvements éducatifs alternatifs soulèvent plusieurs questions pédagogiques, sociales et de gouvernance. De plus, leur étude
présente des difficultés conceptuelles et méthodologiques particulières.

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